Claude Blanchemaison et ses années vietnamiennes

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Claude Blanchemaison et ses années vietnamiennes

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L’ambassadeur de France au Vietnam pendant les années 1989-1993, Claude Blanchemaison, a été le témoin privilégié d’une époque charnière de  l’histoire de notre pays. Il a sorti un livre dans lequel il relate ce séjour au Vietnam, livre traduit et publié par les éditions Politiques nationales au mois de mars. Celui qui a joué un rôle décisif dans le développement des relations bilatérales à l’époque revient pour nous sur ses années vietnamiennes.


Claude Blanchemaison

Claude Blanchemaison : En 1989 le Vietnam était un pays qui vivait dans la difficulté, après 30 ans de guerre, pratiquement, et donc c’était surtout une impression d’austérité. Sur la route de l’aéroport, qui n’était pas la route actuelle, qui était assez petite, il y avait notamment des vieux camions soviétiques qui roulaient et qui avaient l’air un peu menaçant. Et toute cette route, c’était au milieu de la rizière, maintenant c’est une autoroute. Ensuite, cette résidence était petite, et l’équipement était assez rustique. Tout était rustique. On avait l’impression de faire un voyage dans le temps ! Et puis, dans la rue, il y avait surtout des vélos, et beaucoup de gens avec des treillis militaires. La couleur dominante était le vert. Les casques de bo doi aussi. Moi j’ai demandé « qu’est-ce qu’il y a comme restaurant ? », on m’a dit que le restaurant qui avait survécu à tout, c’était le cha ca. Alors je suis allé manger du cha ca. Mais à l’époque, il n’y avait pas tous ces restaurants qui fleurissent partout, j’avais l’impression d’une assez grande austérité, et presque d’économie de guerre. Mais les gens étaient très gentils bien sûr, c’est une autre affaire.

VOVworld : Vous ressentiez une certaine forme de pression ?

Claude Blanchemaison : La pression existait forcément parce qu’à l’époque il n’y avait pas énormément d’Européens dans Hanoi, et que les Européens faisaient l’objet d’une certaine curiosité de la part de la population, curiosité sympathique d’ailleurs, mais bon, effectivement, ce n’était pas un endroit où on pouvait se promener anonymement. Un ambassadeur, surtout à cette époque-là, c’était comme un poisson rouge dans un bocal !...

VOVworld : A quels domaines la France a accordé priorité dans sa coopération avec le Vietnam ?

Claude Banchemaison : Il existait déjà des coopérations qui avaient survécu aux affres du temps, notamment dans le domaine agronomique. Il y avait aussi des agronomes qui se voyaient de temps en temps et même un agronome résidant ici, qui travaillait avec l’Ecole d’Agronomie de Hanoi et de Ho Chi Minh-ville. Et puis il y avait aussi un semblant de coopération dans le domaine linguistique, et le domaine médical aussi. Donc on a commencé par exploiter ça, parce que ça existait, par le faire grandir. Et puis on a imaginé des axes nouveaux de coopération, par exemple avec le ministère des Finances, pour aider à la création d’un Etat financier moderne, contemporain, avec le ministère de la Justice, aussi, pour l’aider à établir un code de commerce. Et on a eu des magistrats de très haut niveau qui sont venus beaucoup de fois. Donc finance, justice, droit, et puis la business school, le CFVG, et on a beaucoup accru aussi la coopération médicale, puisqu’on a créé ce programme de fonction d’interne dans les centres hospitaliers universitaires français, qui faisait que chaque année une centaine de jeunes médecins vietnamiens partaient en France pour une année universitaire dans un hôpital. Ils étaient payés, il donnaient des soins, se formaient et revenaient au Vietnam. On en a formé plus d’un millier pendant dix ans.

VOVworld : Vous animez toujours des conférences sur le Vietnam, quand vous ne rédigez pas des livres ou des articles sur le Vietnam…

Claude Blanchemaison : Oui quand on me demande de participer à un colloque, à une réunion, à un séminaire, bien sûr je participe... Ce n’est pas toujours très facile parce que dans le fond il faut maintenant imaginer l’avenir. Moi, je ne suis pas du tout un nostalgique. Ce qui est important, c’est l’avenir, c’est ce qu’on fait maintenant.

VOVworld : Parmi les accomplissements de votre mandat ici, duquel êtes-vous le plus fier ?

Claude Blanchemaison : A part la visite du président Mitterrand qui était l’aboutissement de tout un tas d’actions de coopération, il y a une réalisation à caractère politique, parce qu’elle touche à tous les sujets, peut-être, qui est la création d’une business school, le CFVG, au milieu de l’Université d’économie marxiste de Hanoi.

VOVworld : Quel regard portez-vous sur la coopération actuelle entre les deux pays, plus de 20 ans après la visite du président Mitterrand ?

Claude Blanchemaison : Je crois que l’axe principal qui était de faciliter l’ouverture du Vietnam, de faire en sorte que le Vietnam trouve toute sa place sur la scène internationale, en Asie et dans le monde, ça a parfaitement réussi. Puisque le Vietnam aujourd’hui est globalisé. C’est l’un des pays qui a probablement le plus d’accords de libre-échange au monde. Il a même signé le TPP. C’est formidable. Ça veut dire que nous avons réussi ce que nous avions entrepris à l’époque. De façon totalement désintéressée, puisque malheureusement l’autre résultat c’est que la part de marché française s’est réduite. Ça c’est la contrepartie puisqu’à partir du moment où le Vietnam s’ouvre, où tous les pays asiatiques, les Américains, les Chinois deviennent très actifs, la part relative de la France diminue. Alors aujourd’hui, qu’est-ce qu’on peut faire ? Je crois que le point clé, ça reste quand même la formation. C’est vrai que j’ai une petite interrogation quand je vois dans les statistiques, que les étudiants vietnamiens vont en un nombre un peu plus important en Grande-Bretagne qu’en France, alors que les études supérieures en Grande-Bretagne sont très chères, en France, pas du tout. C’est l’attraction de l’anglais. Mais je pense la France peut aussi leur offrir des formations extrêmement pointues dans certains domaines, pas uniquement scientifique, pas uniquement les mathématiques, la physique, la chimie, l’électronique, bien sûr, mais aussi les sciences humaines, parce qu’il faut peut-être aussi évoluer dans l’enseignement et la recherche en sciences humaines. En tous cas, il y a des Vietnamiens dans les grandes écoles françaises, dans les centres d’excellence, et je pense que dans ce domaine là, on peut encore améliorer les choses.

Hoa Ha

(Source info: VOVworld)

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