Michel Zink, un historien au Vietnam

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Michel Zink, secrétaire perpétuel de l’Académie des inscriptions et des belles lettres et professeur au Collège de France

L’historien vietnamien Phan Huy Lê vient d’être honoré par l’Académie des inscriptions et des belles lettres. Michel Zink, secrétaire perpétuel de ladite académie et professeur au Collège de France, a fait le déplacement pour lui remettre la médaille. La Voix du Vietnam a saisi l’occasion pour interroger ce grand philologue, médiéviste reconnu, qui nous parle bien sûr de Phan Huy Lê, mais aussi de sa grande marotte, le Moyen-âge.

VOV5 : Quels souvenirs gardez-vous de Phan Huy Lê ?

Alors, j’ai peu rencontré dans ma vie Phan Huy Lê parce que c’est la première fois je viens au Vietnam et je ne l’ai vu que quand il est venu à Paris. Mais ce sont tout de même des souvenirs inoubliables. Mon premier souvenir inoubliable, c’est la communication qu’il a faite à l’Académie des inscriptions et des belles lettres et qui était une communication extrêmement maîtrisée à la fois sur l’histoire du Vietnam, sur l’historiographie, sur l’histoire des historiens qui ont travaillé sur le Vietnam, parce qu’il s’adressait à des confrères, à des académiciens qui pour la plupart étaient très ignorants de ces questions et il a su à la fois être très savant, être très clair. Le deuxième souvenir inoubliable, c’est le moment où nous étions dans la bibliothèque de l’Institut, autour de cette table sur laquelle il y a quelques livres, il a justement sauté sur le 20ème (Lục Vân Tiên) en disant : «Mais c’est quelque chose d’extraordinaire que vous avez là. Il faut en tirer parti». Et nous tombions du ciel les uns et les autres. Et le troisième, ce qui n’est pas encore un souvenir parce que c’est aujourd’hui, c’est de le retrouver toujours aussi chaleureux, accueillant, intéressé intellectuellement par tout ce qui touche à son domaine et à tous les autres.

VOV5: En tant que spécialiste de la littérature, que pensez-vous de Lục Vân Tiên ?

J’ai été particulièrement intéressé par Lục Vân Tiên parce que moi-même, je ne suis pas du tout spécialiste ni du Vietnam ni du monde oriental, je suis un spécialiste de la littérature française du Moyen Age en français, en latin, dans les autres dialectes… J’ai pu constater en lisant Lục Vân Tiên cette sorte d’universalité des thèmes romanesques à travers le monde. Par moment, j’avais l’impression de lire un roman du Moyen Age occidental mais en même temps, j’étais séduit par ce que l’histoire a d’original, d’abord par ce début sans doute un peu autobiographique, la cécité du personnage, et par ce qu’il y a à la fois de très sensible, de très vécu et de très universel dans ce roman. C’est le propre de toutes les littératures       qui ont un enracinement populaire, même si leur auteur n’est pas vraiment populaire, de mêler ce qu’il y a de plus général dans les sentiments humains à une expression particulière et qui touche. Je les trouve tout à fait dans Lục Vân Tiên.

VOV5: Votre venue vous a donné l’occasion de visiter plusieurs académies et universités de sciences sociales du Vietnam...

Oui, je suis très heureux d’avoir cette occasion, d’abord de découvrir le Vietnam, mais aussi de visiter des institutions académiques et universitaires que je ne connais pas. J’ai été reçu par le président de l’Académie des Sciences sociales et j’ai vu le centre de travail et de recherches extraordinaire de cette académie, avec des moyens considérables. J’ai visité le centre de recherches sino-vietnamien et j’ai été impressionné par la qualité des documents originaux qu’il possède, ainsi que par des estampages, c’est-à-dire les reproductions sur du papier d’une inscription sur pierre. Et ces estampages proviennent pour beaucoup de l’Ecole française d’Extrême-Orient. Certains ont été faits il y a un siècle par ladite école et même plus. C’est un témoignage de cette collaboration entre la France et le Vietnam qui est exemplaire dans le domaine scientifique et qui montre que ces disciplines du passé, historique, philologique, dont on peut penser surtout en France, en Occident et ici, qu’elles ne sont plus utiles, d’abord nous réveillent à nous-même, nous font connaître les autres et nous permettent de travailler ensemble pour savoir qui nous sommes.

VOV5: En été 2014, vous avez proposé « Bienvenue au Moyen Âge » - une chronique quotidienne diffusée pendant deux semaines sur l'antenne de France Inter. Pourquoi avez-vous décidé d’aborder cette époque ?

Pour ces émissions, on me les a demandées parce que je suis en effet professeur de littérature française du Moyen Age au Collège de France. Les cours sont diffusés sur Internet, sur France Culture… Le directeur de France Inter à l’époque les avait entendus et il m’a proposé de faire pendant 30-40 jours une chronique par jour de 3 minutes sur cette radio, une radio qui a une très large audience en France, très généraliste. Alors, je l’ai fait très volontiers parce que justement j’aime cette littérature, cette poésie et que je voulais partager ce goût que j’ai pour elle. J’aime la littérature du Moyen Age bien évidemment qui est loin de nous pour plusieurs raisons. D’abord justement parce qu’elle est loin de nous et que c’est la littérature de l’époque où le français apparaît, où la langue est nouvelle, où l’évolution du latin aboutit à une langue tout à fait nouvelle qui est le français. Donc, moi qui aime la littérature en général et la littérature naturellement française en particulier, j’étais et je suis curieux de découvrir la façon dont elle est apparue et comment elle est à la fois si différente de nous, de notre littérature et en même temps si proche. En même temps, je dois dire que j’ai toujours eu des goûts un peu enfantins, probablement. J’aime les contes de fées, la littérature populaire. Comme je le disais à propos de Lục Vân Tiên, j’aime ce qu’il y a de subtil, d’inattendu souvent dans des récits qui paraissent très simples. Et cela, on le trouve au Moyen Age. Et enfin, alors que j’étais adolescent, à l’âge que l’on est sensible au poème d’amour, j’ai découvert la poésie des troubadours les plus anciens poètes français, surtout en langue d’oc, la langue du sud de la France, qui ont chanté l’amour d’une façon très originale, très difficile parfois, et qui a fortement influencé l’ensemble de la civilisation européenne pratiquement jusqu’à aujourd’hui et à la fois cette poésie, que l’on appelle poésie courtoise et ces romans d’aventure, les romans (le roman du roi Arthur), etc...Tout cela mêlé à fait que voilà, j’ai étudié le Moyen Age.

VOV5: Pourriez-vous nous révéler quelques projets pour l’avenir ?

Je suis un vieux monsieur maintenant, j’ai un livre qui sort ces jours-ci qui est fait à partir d’un cours que j’ai fait au Collège de France il y a quelques années qui est sur l’humiliation au Moyen Age et aujourd’hui, ce qu’elle représente et ce qui fait qu’à la fois nous avons horreur de l’humiliation et nous avons une empathie pour les humiliés.     Et en ce moment j’écris un petit roman moderne. Et puis, on me demande, mais je ne devrais pas révéler parce que probablement je n’arriverais pas à le faire, on me demande un dictionnaire amoureux du Moyen âge. C’est une collection que l’on appelle comme ça en France. Alors, je ne sais pas si je le ferais mais mon amour du Moyen âge me porte à penser de faire un dictionnaire amoureux. Et si je reste en vie assez longtemps, si ne je suis pas gâteux trop vite, peut-être, j’arriverai à le faire.

Duc Quy

(Source media: VOVworld)

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