Une première journée à moto au Vietnam

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Une première journée à moto au Vietnam

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À moto dans les montagnes du Nord, sur une des routes les plus spectaculaires du Vietnam, dans la province de Ha Giang.

Hanoi, 5 heures du matin. En possession de deux scooters semi-automatiques depuis la veille. L’un est maquillé de flammes orange sur le guidon, l’autre a deux  rétroviseurs gauche. Les deux sont déjà aussi usés que leur carte grise vietnamienne, qui révèlent par ailleurs la véritable identité de nos motos. Non pas des Honda Wave comme l’indique le sticker collé sur le châssis en plastique, mais des copies provenant de Chine et de Corée. Les porte-bagages bricolés avec plusieurs tendeurs ont du mal à se porter eux-mêmes et soutiennent avec beaucoup de peine nos sacs à dos débordant sur le siège passager, perdant ainsi son utilité première. Le Vietnamien qui nous ouvre la porte nous dévisage, mal réveillé. Il esquisse un sourire amusé quand on lui annonce qu’on compte bien rejoindre Ho Chi Minh Ville, et ce seulement avec cet unique, et peu viable paraît-t-il, moyen de locomotion. La ville s’est déjà réveillée quand arrive le moment où l’on enfile nos casques, accessoires purement symboliques aux yeux de la loi et aussi résistants qu’une coquille d’œuf, et l’on s’installe sur nos motos, définitivement trop petites pour moi.

La capitale politique du Vietnam réunit environ deux millions de scooters à elle seule et offre chaque jour un ballet millimétré au travers de grandes artères à trois voies tracées,  dix réelles, et de ruelles où la chaussée disparaît de moitié sous les stands de marchands ambulants. Chaque citadin s’affaire à amener son scooter, son chargement et lui-même d’un point A à un point B du matin au soir, qu’il s’agisse du maraîcher et sa caisse de concombres, du jeune entrepreneur et sa pile de dossiers, ou encore d’une vieille dame et son mari. Toute la ville s’anime de la même cacophonie de klaxons et de grognements qui signalent à l’un ou à l’autre un doublement par la gauche ou la droite, ou un passage de feu un peu tardif. Quelques agents de circulation sont installés sur les grands carrefours et tiennent le rôle qu’un chef d’orchestre essaierait de tenir devant un groupe de rock où chaque musicien veut jouer plus fort que l’autre.

L’idée n’est pas de rejoindre la route du Sud tout de suite : notre visa de trois mois nous permet de prendre la direction des montagnes du Nord, à l’opposé, pour une boucle de trois semaines à travers les Alpes tonkinoises jusqu’à la cuvette de Dien Bien Phu. Mais notre priorité est de sortir de Hanoi et sa périphérie alors que la circulation bat déjà son plein. On trouve maladroitement notre équilibre en évitant les hordes de deux roues autour du lac Hoan Kiem puis en s’engouffrant dans les ruelles de la vieille ville. Dès lors on devient les acteurs du spectacle qu’on observait d’un œil inquiet depuis plusieurs jours. Ce passage brusque au premier plan nécessite d’observer une certaine concentration, combinée d’une  vision circulaire. Chacun des croisements qui entrave notre chemin nous anime de la même peur de renverser le touk-touk qui arrive par la droite, ou d’accrocher l’échafaudage en bambou sur le trottoir d’en face. On estime vaguement la largeur de nos sacs à dos à l’arrière de nos motos quand on se faufile entre deux camionnettes et on s’embarrasse en actionnant nos clignotants à chaque manœuvre que l’on entreprend. C’est au bout de plusieurs minutes de circulation au cœur de la ville que la logique d’un tel système nous apparaît comme une évidence. En considérant notre niveau de conduite comme étant inexistant, il paraît simple d’en déduire que si nous n’avons rien heurté jusqu’à présent, c’est que tous les autres véhicules nous ont évités. Si chaque conducteur se contente de contourner l’obstacle qu’il a droit devant lui, le champ de vision nécessaire à la conduite peut se rétrécir considérablement. Principe uniquement vérifiable s’il est appliqué par tous, ce qui semblerait-il, est le cas au Vietnam. Et comme pour venir confirmer notre déduction, voilà que nous devons traverser l’unique cas de figure où cette règle n’a aucun intérêt.

Le pont Long Bien c’est plus d’un kilomètre et demi de poutres métalliques érigées à la fin du dix-neuvième siècle, sous l’ère coloniale française, qui permettent l’arrivée de la voie ferrée directement dans le centre en survolant le Fleuve Rouge, au Nord-Est de la ville. Chaque fois que l’ouvrage d’art consolidé rudimentairement à l’aide de piles en béton accueille un train, l’immense structure rentre en vibration de manière inquiétante. Pour pallier la circulation incessante des scooters entrant et sortant de la ville, deux voies à sens plus ou moins unique ont été aménagées sur le pont de chaque côté des rails. Ces deux voies, dédiées aux véhicules à deux roues et n’excédant pas un mètre cinquante de largeur, constituent un véritable exercice de funambule pour les novices que nous sommes. Il s’agit de maintenir parfaitement droit son scooter durant les cinq minutes, qui en paraissent vingt, nécessaires à la traversée, et ce sur un espace particulièrement étroit. Bien sûr pour la majorité des vietnamiens cet espace permet largement un dépassement,  ce qui divise instantanément la place disponible par deux.

Je m’insère donc dans cette ligne droite assez confiant. Surviennent alors une série de scooters sur ma gauche qui me rappellent rapidement que je suis assis sur un engin qui trouve son équilibre sur deux roues seulement. Je porte mon regard sur l’horizon et n’ose même plus cligner des yeux de peur d’accrocher la rambarde à ma droite. La concentration regagne mon esprit et voilà qu’il me faut effectuer le geste technique consistant à doubler un vélo. Je prend mon courage à deux mains, ainsi que mon guidon, j’inspecte rapidement derrière moi, personne. Je passe nerveusement la troisième, déboîte et accélère dans une pétarade qui révèle enfin la puissance de mon moteur. Ça y est, le vélo est derrière moi, l’adrénaline me gagne comme si je venais de découvrir un nouveau sport extrême, la sensation de vitesse amène un vent frais sur mon visage, puis je relativise.  Après tout, il s’agit d’un scooter roulant à trente kilomètres heure. J’atteins l’autre rive en effectuant quelques autres dépassements et laisse échapper un petit cri de joie exprimant tout de même la fierté de ma prouesse.

Chloé me rejoint quelques minutes plus tard. Souriante, elle m’explique sa technique consistant à rester derrière le vélo qui m’avait donné tant de mal.

Le plus dense de la circulation urbaine est passé et nous voilà maintenant sur le périphérique extérieur de Hanoi. La route s’efface par endroit pour laisser place à la poussière qui s’infiltre sous nos paupières. À défaut de visières sur nos casques, on utilise des lunettes de soleil, qui lui n’a pas fait mine de passer au travers de la brume grisâtre si typique au Nord du Vietnam. L’axe que nous empruntons est une nationale à deux voies suffisamment larges pour deux camions, type de véhicules que nous n’avions pas encore rencontrés. La conduite des camions vietnamiens fonctionne sur une simple et unique règle de priorité qu’ils s’attribuent chacun à l’aide de klaxons tous plus puissants les uns que les autres. On est parfois figés sur nos motos quand une sirène de paquebot retenti trois mètres derrière nous, ou quand un camion déboîte en face, jugeant que notre voie circule mieux. On apprends à jouer de notre klaxon pour dépasser quelques charrettes et à rouler sur le bas-côté quand la place nous manque.

C’est en roulant encore un peu qu’on commence à s’intéresser aux aspects accessoires de nos motos. Le compteur de vitesse de Chloé ne marche plus et l’aiguille du mien s’affole à l’approche des quarante kilomètres heure. Ma jauge d’essence reste bloquée en bas, mais on se fie à celle de l’autre moto, qui indique que le réservoir est toujours plein. Il nous faut peu de temps pour comprendre que cette indication est fausse. Chloé s’arrête sur le côté, sa moto n’avance plus. Mécaniciens que nous sommes, il nous faut dix bonnes minutes, et l’avis d’un Vietnamien, pour admettre que le réservoir est vide. On apprend à cette occasion que trouver de l’essence au Vietnam est une chose assez aisée : si les stations viennent à manquer, quelqu’un en aura toujours dans une bouteille en plastique sur le bord de la route.

Jusqu’à présent la route que nous suivons est emmurée d’habitations et de commerces qui ne laissent pas apparaître la campagne environnante. Quelques collines verdoyantes viennent chapeauter les antennes satellites à travers la fumée noire des pots d’échappement. Une ouverture dévoile une maison en bois sur pilotis et des rizières en terrasse mais voilà que nous entrons déjà dans la banlieue de la prochaine ville. C’est à soixante-dix kilomètres de Hanoi, à Thai Nguyen, chef-lieu de la province du même nom et bourgade quadrillée et poussiéreuse que nous passerons la nuit. En nous regardant dans la glace, des cernes de crasse et de pollution viennent maquiller nos visages. On rigole. Quelle idée on a eu d’acheter ces motos !

29 janvier 2013

Texte : Théo Inisan

Pour plus d'infos:
http://lemelonouighour.fr/une-premiere-journee-a-moto/

 

Commentaires

Ballades Viêt ..

 TB compte-rendu, 18,5/20 !

Le pire c'est d'en rire...tous les jours !

 J'ai compris que ma vie serait désormais ici...à  Muiné.

Et bonne route ! Tj. avec prudence, les amis.

Maxdemuiné vous salue.

Ma devise : Rien ne sert de courrir.....sauf si l'eau monte !
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