LE MARIAGE AU VIETNAM

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 Le blog d'expatriés assistant au mariage d'unepersonne qu'ils ne connaissent pas...

Durant plus d’un quart du XXe siècle, le Vietnam évoquait pour le monde entier une suite de guerres. En réalité, avec une histoire vieille de plus de 4000 ans et une population composée de 54 ethnies différentes, le Vietnam possède une très riche culture. On peut trouver des centaines de livres et de recherches, en vietnamien et même en langues étrangères, sur ce patrimoine immatériel. Il existe néanmoins un sujet jusqu’ici "oublié" par les spécialistes : celui du mariage. Peut être parce qu’il est considéré comme une procédure par laquelle toute personne souhaitant fonder une famille, doit obligatoirement passer, le mariage est-il devenu quelque chose de "quotidien", "sans intérêt particulier". En réalité, un mariage traditionnel vietnamien comprend plusieurs étapes et rites, méconnus par la plupart des jeunes gens, mais qui font partie de l’identité culturelle vietnamienne.

Les tendances de retour aux sources historiques et culturelles incitent les gens à s’intéresser de plus en plus aux us et coutumes de leur pays. Le mariage, d’une signification spéciale dans la vie d’un couple, a une importance plus nette et un rôle prépondérant dans le trésor patrimonial culturel.

Le mariage des Viet

Les concepts sur le mariage se différencient selon les périodes de l’histoire, ou selon les régions du pays. Les rites aussi ne sont pas les mêmes pour les 54 ethnies, vu leurs cultures et leurs modes de vie. Nous tentons de présenter ici seulement le mariage des Viet, principal groupe ethnique du pays (85 %), qui a été largement influencé par la culture chinoise. On peut trouver des informations sur le mariage dans les minorités ethniques dans le livre de Pham Minh Thao [4, pp. 85-186].

- Le rôle des parents

Jadis, les parents avaient pleins pouvoirs dans toutes les questions concernant la vie de famille. C’étaient eux qui décidaient du choix des partenaires pour leurs enfants. En général, les parents souhaitaient (et souhaitent toujours) trouver une bonne famille, d’un même niveau de vie que le leur (ou meilleur), dont le fils ou la fille, bien éduqué(e), ferait un parfait compagnon de vie pour leur progéniture. Il arrivait souvent que les mariés ne se connaissaient pas avant le mariage. Dans ce cas, une entremetteuse servait d’intermédiaire entre les deux familles.

Afin d’assurer le bonheur des jeunes couples, et surtout de leurs propres enfants, les parents affichaient certains critères dans le choix des mariés :

    • La mariée :

Pour être une épouse parfaite, une jeune fille doit posséder les quatres vertus Cong, Dung, Ngon, Hanh. Cong - les travaux ménagers : Dans une société confucianiste, les jeunes filles sont susceptibles d’assumer toutes les tâches domestiques, y compris la couture, la broderie, le tissage, le tricot, l’élevage des animaux (volaille, bétail...) avec une rapidité et une efficacité sans failles. Les sages disaient " On devient riche avec l’aide de ses amis et honorable grâce à sa femme". C’est pourquoi une femme était considérée comme une générale de l’intérieur. Dung - la beauté : Malgré le dicton "La vertu a raison sur la beauté", personne ne veut avoir une femme difforme ou ayant une apparence désagréable. Les parents souhaitaient trouver une bru de bonne santé pour assurer la continuation de leur lignée. Ngon - la parole : La femme de l’ancienne société n’avait aucune voix au chapitre. En plus, elle devait obéir à son mari comme à ses parents, choisir les bons mots et être polie envers tout le monde. Hanh - la bonne conduite : En dehors de sa propre famille, la bonne épouse était obligée de s’occuper des vieux parents et d’être en bons termes avec tous les membres de sa belle famille.

    • Le marié :

Le jeune homme avait plus de chance que la jeune fille ; on ne lui demanderait que du courage, une bonne conduite et l’intelligence si possible (ce dernier critère était sans importance dans le cas des paysans et des gens de famille modeste).

- Tam thu, luc le - Les trois lettres, les six rites

Selon les coutumes anciennes de la Chine, le mariage était organisé en plusieurs étapes avec "les trois lettres et les six rites". Les trois lettres sont des lettres écrites par les parents du fiancé et adressées à la famille de la fiancée durant toute la période de préparation du mariage. Les six rites constituent les cérémonies du mariage par lesquelles les jeunes doivent passer pour devenir époux.

    • Dans le contexte de la société féodale, l’entremetteuse joue un rôle important pour les relations entre les deux familles. C’est elle qui se renseigne sur la famille de la jeune fille, sur la jeune fille elle même et rapporte les informations recueillies à la famille du jeune homme. Si la fille est choisie, les parents du jeune homme chargeront l’entremetteuse d’exposer leurs intentions à la future belle famille. Dès lors, l’entremetteuse remet une première lettre qui sert d’introduction, exprimant l’intention de la famille du jeune homme de nouer des relations plus étroites avec celle de la jeune fille. Avec le consentement de la famille de la fiancée, la famille du jeune homme arrive à une date fixée d’avance par les deux côtés. C’est le premier rite, le Nap Thai ou Cham Ngo, où la famille du fiancé appore les présents rituels du mariage chez la mariée.

    • Le deuxième rite est le Van Danh, la cérémonie d’échange des noms avant les fiançailles. La famille du fiancé choisit un jour faste et recourt une fois encore à l’entremetteuse pour apporter des présents, accompagnés d’une deuxième lettre, à la famille de la fiancée afin de demander le nom, le prénom et la date de naissance de la jeune fille. Les présents se composent en général de thé, de vin, de pâtisseries, de feuilles de bétel et de noix d’arec. Les parents consultent l’horoscope et décident si les deux jeunes gens sont faits l’un pour l’autre ou non.

    • Au Nap Cat, le troisième rite, devant l’autel, les deux familles informent les ancêtres que les jeunes gens peuvent former un beau couple et sont prêts pour le mariage.

    • Arrive en quatrième période le Nap Trung, ou les fiançailles. En plus des présents rituels déjà cités s’ajoutent les bijoux pour la mariée, une paire de bougies rouges gravées d’un dragon (symbolisant le marié) et d’un phénix (pour la mariée), et une somme d’argent. Les présents sont mis dans des boîtes rondes laquées rouges, le nombre de ces boîtes doit être un chiffre pair. Les deux bougies seront allumées et dressées sur l’autel des ancêtres au début de la cérémonie. L’argent représente la contribution de la famille du marié aux achats des objets personnels de la mariée et au banquet organisé à cette occasion.

    • La troisième et dernière lettre sera adressée au Thinh Ky, le cinquième rite, où la famille du marié demande la confirmation du jour et de l’heure choisis pour la cérémonie principale, le mariage. Les présents tels que le thé, le vin et les pâtisseries accompagnent la lettre.

    • Enfin, arrive le rite le plus solennel et le plus important de tous : le Than Nghinh ou Vu Quy, soit le mariage lui-même.

- La cérémonie de mariage

Plus le mariage est organisé solennellement, plus il aura une signification profonde et durable dans la vie des couples. Solennel ne veut dire ni coûteux, ni "démonstratif". L’objectif principal est de s’accorder à la morale en préservant les traditions éducatives de la famille.

La cérémonie de mariage est composée de cinq étapes :

      • La cérémonie officielle chez la mariée
      • Le Ruoc Dau (la cérémonie où l’on conduit la mariée chez le marié)
      • La cérémonie officielle chez le marié
      • Les cérémonies complémentaires comme le To Hong (selon les coutumes chinoises, ce rite a été oublié et supprimé depuis longtemps au Vietnam), le Giao Duyen (échange des saluts entre les mariés à la nuit nuptiale)
      • Le Phan Bai ou Lai Mat (la première visite des nouveaux mariés à la famille de la conjointe)

    • La cérémonie officielle chez la mariée. Contrairement à la cérémonie officielle chez le marié, chez la mariée, elle se déroule en deux jours. La première journée est réservée au Nhom Ho, où se réunissent tous les membres de la famille de la mariée pour la rencontrer avant qu’elle parte vivre sa nouvelle vie. Sont convoqués aussi ceux qui vivent dans les autres provinces. Les parents et les personnes âgées de la famille donnent des conseils à la mariée sur ce qu’elle doit faire ou ne pas faire le jour du mariage, ainsi que durant sa vie conjugale.

Après la réunion, on organise un banquet à cette occasion et invite les amis, les voisins à venir fêter l’évèvenement avec la famille. Devant la porte de la maison, on dresse un dôme artificiel de feuillages sur lequel est accroché un petit tableau décoré magnifiquement avec les deux mots Vu Quy (ce qui signifie que la mariée se rend chez son mari le jour du mariage) pour annoncer à tout le monde l’heureuse circonstance. Les invités apportent des cadeaux ou de l’argent aux mariés. Si le fiancé habite dans la même ville ou province, il peut être présent à cette journée.

Le matin de la deuxième journée, à l’heure fixée, la délégation de la famille du mari arrive chez la mariée, portant des boîtes rondes laquées rouges pleines de présents tels que des feuilles de bétel, des noix d’arec, du vin, des pâtisseries, cinq sortes de fruits, une paire de bougies... D’après la tradition, on s’arrête à quelques mètres de la maison. Une crépitation de pétards accueillent les arrivants (pour des raisons de sécurité, les pétards ont été interdits depuis une dizaine d’années). Alors, une personne âgée et un ami du mari (ou un de ses frères) s’avancent et présentent le plateau de feuilles de bétel et de vin aux parents de la mariée. Ce rite sert à annoncer que l’heure est venue pour conduire la mariée chez le marié.

Dans la cour ou devant la maison se déroule le rite d’échange des boîtes de présents entre les deux familles. En général, du côté du marié ce sont des jeunes hommes qui portent ces boîtes et qui les transmettent aux jeunes filles du côté de la mariée. Toutes les boîtes seront déposées ensuite sur une table devant l’autel des ancêtres. Ce jour, l’autel est décoré magnifiquement de fleurs et de fruits ; parfois on fait aussi de petites sculptures de fruits frais en forme de dragon et de phénix.

En attendant, le marié se tient debout devant l’autel, tenant au bras le bouquet de mariage. Sa famille est invitée à se mettre à droite de l’autel, à gauche sera la place de la famille de la mariée. La parole est réservée à la famille du marié pour commencer la cérémonie. Si l’entremetteuse est présente, c’est son rôle d’être l’intermédiaire. La famille de la mariée donnera la réplique. Les mots, les phrases doivent être choisis minutieusement et représenter la solennité de l’occasion. On procède ensuite à la présentation des membres des deux familles présents.

Pendant tous ces rites, la mariée reste à l’intérieur, dans une des chambres à porte close, ornée d’un rideau en voile rouge ou rose. Quand vient le moment de sa présentation, la mariée sort de la chambre, incline légèrement la tête pour saluer les deux familles et sera accompagnée par sa mère jusqu’à l’autel, à côté du marié. Alors, celui-ci lui offre le bouquet de mariage et l’on procède au rite d’allumage des bougies sur l’autel, comme à la cérémonie des fiançailles. Le père de la mariée brûle de l’encens et invoque les ancêtres comme témoins de la cérémonie. Après, la mère du marié offre des bijoux à la mariée (une chaîne avec médaillon, des boucles d’oreilles, des bracelets, tous en or et pouvant être incrustés de pierres précieuses). L’échange des bagues entre les mariés marque l’instant où les jeunes gens sont reconnus époux devant les deux familles.

Pour clore la cérémonie, le prosternement des nouveaux mariés devant l’autel est une occasion solennelle et d’une grande importance. Cela signifie qu’ils demandent aux ancêtres de témoigner de leur volonté de fonder une nouvelle famille, dont le chef - le mari - assume la responsabilité. Il s’engage à guider et garantir la vie de sa femme jusqu’à sa mort.

    • Ruoc Dau. En ville, on utilise des voitures pour conduire la mariée chez son mari. A la campagne, les moyens de déplacement sont différents : les barques, les sampans, les charriots tirés par des bœufs ou des chevaux... tout est possible selon les conditions locales. Dans tous les cas, le véhicule réservé aux mariés est décoré avec des fleurs, des rubans de couleur vive (en général rouge ou rose, ou jaune). La charge du transport de la famille de la mariée incombe à la famille du marié. Les sœurs ou cousines, amies de la mariée apportent ses valises de vêtements ou d’objets personnels à sa nouvelle maison.

    • La cérémonie officielle chez le marié. En principe, la cérémonie se déroule à peu près comme chez la mariée, mais bien sûr sans échange de présents, de bagues et de bijoux. Après la cérémonie, la mariée se repose un moment, se rafraîchit et offre des feuilles de bétel et des noix d’arec aux personnes âgées de sa belle-famille. A midi ou le soir, les parents du marié organisent un grand festin en l’honneur du mariage de leur enfant. On invite aussi quelques membres de la famille de la mariée.

    • Giao Duyen. Le geste rituel d’échange des saluts entre les deux époux se déroule dans la chambre nuptiale. Le mari partage avec sa femme les feuilles de bétel offertes à l’autel des ancêtres durant la cérémonie du matin, puis verse du vin dans un verre, et les deux époux en boivent chacun la moitié.

    • Phan Bai. Trois jours après le mariage, le jeune couple retourne faire une visite aux parents de la conjointe. Au Nord, les époux apportent du riz gluant et de la compote liquide comme présent. Au Sud, on remplace par du vin, du thé, des pâtisseries, des fruits ; dans quelques provinces ce sera deux canards.

Les costumes de mariage : Jadis, les mariés devaient porter le costume national avec des variantes pour chaque région ou province. Aujourd’hui, le marié porte le costume européen. Parfois il adosse le "ao dai" traditionnel à la demande des parents de la mariée pour les gestes rituels devant l’autel. Le "ao dai" est préféré par la mariée pour les cérémonies car il fait valoir la féminité et l’allure de celle qui le porte. Durant le banquet, les robes de bal ou les costumes européens sont plus courants.

- La préservation et la valorisation des rites du mariage

L’acculturation et la modernisation ont participé à simplifier les coutumes de mariage au Vietnam. A l’heure actuelle, il en reste trois étapes : le Nap Thai ou Cham Ngo, le Nap Trung ou fiançailles, et le Vu Quy ou mariage. Pour certaines familles modestes, on accepte de cumuler les deux derniers rites, les fiançailles et le mariage, en une journée.

La Constitution du Vietnam proclame que tout citoyen ayant dépassé dix-huit ans est libre de contracter le mariage. C’est pourquoi le rôle des parents de nos jours se limite au consentement accordé et aux conseils donnés à leurs enfants. L’entremetteuse traditionnelle, perdant son importance, est remplacée par des agences ou des clubs de rencontres.

Malgré les changements, les vietnamiens s’efforcent de préserver les us et les coutumes établis depuis longtemps par leurs ancêtres, en éliminant les mœurs arriérées pour les remplacer par des rites plus appropriés à la vie moderne. L’éducation des jeunes implique que les parents les imprègnent de l’âme et de l’identité culturelle de notre peuple à travers ses traditions.

En tant que partie du patrimoine immatériel du pays, le mariage possède des spécificités qui doivent être considérées sérieusement par ceux qui s’y intéressent. La transmission par voie orale, qui aide à répandre cette richesse culturelle aux différentes couches de la population, rend la préservation et la valorisation plus difficiles. M. Chi Ben Nguyen, spécialiste et chercheur en Histoire des Arts et Cultures vietnamiennes, déclare : " Une des solutions semble être la socialisation de ces activités (la préservation et la valorisation des richesses culturelles immatérielles - Note de XLVS)... Un des moyens les plus répandus est l’écriture, c’est-à-dire recopier et éditer. De ce côté, nous avons fait beaucoup de choses. Surtout pour le trésor des folklores...Le problème se pose que, malgré l’effet très positif de l’écriture et de l’édition, il existe encore d’autres moyens, particulièrement à l’époque où se développent à grande vitesse les techniques d’information et de communication. Par exemple une série de films en vidéo-cassettes présentant les fêtes des peuples au Vietnam, sur les "heris" (des Gia Rai), ou les "heaumier" (des Banas) est très nécessaire et très efficace pour la préservation de ce trésor culturel immatériel." [1, pp.263 et 268].

Préserver et faire valoir le mariage traditionnel Vietnamien au profit du tourisme, est une tâche encore plus difficile. Comment faire comprendre aux touristes étrangers toutes les nuances des différents rites du mariage, la solennité des saluts échangés entre les époux la nuit nuptiale ou devant l’autel des ancêtres ? Une simple présentation ne suffit pas. Pourrait-on proposer une visite spéciale intitulée "Les cérémonies (ou les rites) de mariage vietnamien", où les touristes pourraient participer à un vrai mariage, avec un guide - bon connaisseur - capable de répondre à toutes les questions posées par les touristes ? L’édition d’un CD-ROM des cérémonies de mariage aiderait peut être à mieux présenter ce trésor patrimonial culturel ? La réponse est réservée aux spécialistes, aux voyagistes et aux touristes eux-mêmes en tant que principaux acteurs du tourisme culturel.

Dr VO SANG Xuan Lan (vn.refer.org)

 

 

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BIBLIOGRAPHIE

"Le Tourisme Culturel, Les costumes de mariage", 2000, www.saigonnet.vn

NGUYEN Chi Ben, 2000, "Quelques points sur la préservation du trésor culturel immatériel",

Le folklore du Vietnam, quelques idées...,Hanoi, Ed. de la Culture Nationale, pp.261-271.

PHAM Con Son, 2000, Le mariage et les rites, Editions de la Jeunesse, HCMV.

PHAM Minh Thao, 2000, Les coutumes de la vie, Editions de la Culture et de l’Information, Hanoi.

Tan Viet, 1994, 100 questions à savoir sur les coutumes vietnamiens, Editions de la Culture Nationale, Hanoi.

"Vietnam, l’invitation au voyage", 1995, Nelles Guides, Munich.

"Vietnam, 2000-2001", Le guide du routard, Hachette, Paris.

 

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