Les journalistes internationaux mitraillant un bâtiment de la marine chinoise en mer du sud-est asiatique.

Après un long face à face tendu dans la zone économique exclusive du Vietnam, la Chine a retiré sa plate-forme pétrolière. Récit d’un voyage en mer avec la presse internationale.
 
Depuis le 2 mai dernier, Pékin a installé une plate-forme de forage géante, intitulée HY981, en mer du Sud-Est asiatique au sud de l'archipel des Paracels. Une trentaine d'îles, écueils plages et récifs occupés par la marine de guerre chinoise en janvier 1974. Cet archipel était alors sous souveraineté et juridiction de la République du Sud-Vietnam. L'installation de cette plate-forme très à l’intérieur de la zone économique exclusive (ZEE) du Vietnam représente de la part de la Chine une nouvelle violation de la loi internationale sur le droit à la mer ainsi que des droits souverains du Vietnam. Les Chinois ont mobilisé plus de 100 navires (lance -missiles, surveillance des pêches, remorqueurs) ainsi que de faux bateaux de pêche pour édifier un périmètre de protection d'environ 10 km autour de la plate-forme. Les garde-côtes, les navires de surveillance des pêches ainsi que des chalutiers vietnamiens, en tout une quarantaine de navires, ont convergé vers ce front pour contenir et contester l'intrusion. Dans cette « guerre de tranchées » surréaliste, un chalutier vietnamien a été chassé, éperonné et coulé par 3 navires chinois, devant les yeux impuissants des garde-côtes vietnamiens qui n'ont pu que sauver les 9 membres d'équipage. Plusieurs bâtiments des garde-côtes vietnamiens ont dû subir par leur travers les coups de bélier des bâtiments de guerre chinois. Une dizaine de soldats vietnamiens ont été blessés dont certains sérieusement. Puis ce fut la guerre des canons à eau. Les Chinois les utilisent depuis des années contre les pêcheurs vietnamiens avec une pression de nature à détruite les cabines voire à faire chavirer de petits chalutiers à coque de bois.

De la guerre des canons à la guerre des caméras

La tension montant, les autorités vietnamiennes ont décidé d'inviter la presse étrangère pour constater sur place l'agression chinoise. A la suite de plusieurs navires qui ont appareillé de Da Nang à destination de Hoang Sa (Paracels) j'ai entrepris ce voyage de 350 km à bord du navire 8003 des garde-côtes vietnamiens. A bord, avec les trente membres de l'équipage, trente reporters vietnamiens et douze internationaux dont ceux du New York Times, de la BBC, de l'Agence Reuters, du Guardian, de l'Agence japonaise Jiji press... Une armée de caméras, d'appareils photo à téléobjectifs très virils... Guerre des caméras !

Après dix heures de navigation nous apercevons les premiers navires de pêche chinois qui mettent le cap sur nous de façon provocante puis au loin les points grisâtres des navires chinois alignés en attente, proue pointée vers nous. Nous croisons beaucoup de garde-côtes vietnamiens, des navires de surveillance des pêches puis, vers 15h, à 300 m de nous, deux navires chinois prennent en chasse un navire vietnamien. Trois navires vietnamiens arrivent en appui et la chasse s'arrête. Des séquences de Tom et Jerry ou le Tom chinois peut tuer. Il a déjà prouvé qu’il n'hésitait pas en coulant et abandonnant en pleine mer des équipages de pêcheurs. Un détail qui en dit long : sur les navires des garde-côtes, les canons disposés à la coque et à la proue sont soigneusement recouverts d'un épaisse bâche en plastique verte. Par contre, tous les bâtiments chinois exposent leurs batteries à nu, prêtes à entrer en action.

La plate-forme fait retraite vers la Chine

Le typhon Rammasun en provenance des Philippines est annoncé. La première émotion passée, on nous indique que sa trajectoire évitera Hoang Sa pour se diriger sur l'île chinoise de Hai Nan. Bonne nouvelle mais moins bonne encore que celle de ce matin du 16 juillet à notre réveil : depuis 21h la veille les Chinois ont commencé à retirer leur plate-forme en direction de Hai Nan.

Pour nous, c'est terminé nous mettons le cap sur Da Nang. Le lieutenant colonel Ngo Van Tung, 34 ans, commandant du navire, nous invite à une mini conférence de presse. Il situe sur la carte la position actuelle de la plate-forme hors de la zone sous souveraineté vietnamienne et déclare que c'est là une victoire de la politique de paix et de fermeté du Vietnam, avec l'aide de l'opinion internationale.

J'ignore la raison que les autorités chinoises vont donner à cette retraite qui ressemble fort à une fuite. En tout cas cela ne saurait être l'imminence du typhon car la plate-forme est retirée d'une zone où elle aurait été à peine effleurée pour être convoyée dans une région où les éléments sont annoncés pour atteindre leur pleine puissance. Le lieutenant colonel Tung avait raison c'est une victoire pour le Vietnam et ses amis dans le monde. Et c'est sans aucun doute une défaite pour la politique expansionniste des faucons de Pékin. A notre départ de Da Nang, j'avais emporté une bouteille de champagne, comme un pressentiment. Nous l'avons débouchée bruyamment avec les journalistes et l'équipage. Pour qu’on entende notre joie de Hai Nan.

ANDRE MENRAS*

* Ancien prisonnier politique dans les bagnes du Sud Vietnam pendant la guerre américaine.

(Source media: www.lamarseillaise.fr)